Anticipation au tennis, capacité ou coup de chance ?
On vous répète “Regarde bien ta balle”, mais est-ce aussi pertinent que cela ? Ne faut-il pas prendre plus d’information comme le corps et la raquette de l’adversaire ? Et quand on se trouve dans une situation critique, est-ce que cela ne suffit pas d’observer le corps adverse pour une meilleure anticipation ?
On dit souvent qu’au tennis il faut gagner du temps sur l’adversaire : jouer balle montante, jouer relâché pour jouer plus vite, jouer loin du joueur pour qu’il ait moins de temps pour se placer et se replacer. Si vous voulez connaitre les moyens de gagner du temps, allez voir cet article de d’Alexandre sur Tennis-Attitude.
La parade est d’être très réactif pour perdre le moins de temps possible dans l’analyse de la balle puis la réaction qui entraîne
- déplacement (brique physique), placement,
- frappe (brique technique)
- tout en ayant réfléchi à la meilleure solution (brique tactique)
- sans tergiverser et jouer petit bras (brique psychique).
Je vous invite à voir mes vidéos sur les 6 briques de la performance.
Mais au lieu de courir après le temps, a-t-il moyen d’en voler ? de prendre de l’avance ? de prédire ce que va faire l’autre ? d’être dans la tête de l’autre? bref d’anticiper ?
Qu’est-ce que l’anticipation ?
il y a 2 définitions bien adapté au sport :
- Action d’anticiper quelque chose, de le faire avant le moment prévu ou fixé : démarrer une course avant le signal.
- Action de prévoir, de supposer ce qui va arriver ; hypothèse, supposition : Anticipation sur l’avenir.
Mais la définition spécifique au tennis est “partir avant la frappe adverse”
L’anticipation au tennis
L’idée de cet article m’est venu en regardant cette vidéo de Céline Triolet, professeur d’EPS depuis 2002 et enseignante à l’UFR Staps Paris Sud depuis 2005. Joueuse de tennis depuis 25 ans, elle est entraîneur diplômée depuis 2005.
Les points essentiels à retenir sur une étude statistique de 3000 frappes de joueurs pros sont les suivants :
Proportion d’anticipation ?
Sur 3000 frappes analysées, 300 concernent une anticipation soit 10% d’anticipation. Cela veut dire que dans 90% de cas, les joueurs n’anticipent pas, ils prennent les bonnes informations en lisant la direction, la longueur, la hauteur, la vitesse et l’effet de la balle.
Sur les 10 % d’anticipation, 8% sont des bons choix et 2% des contre-pied (mauvais choix). Donc 8 fois sur 10, les joueurs anticipant ne se trompent pas, c’est énorme.
Quand anticiper ?
Un joueur est globalement dans 3 situations : favorable (il a du temps pour jouer son coup), neutre et défavorable (il est manque de temps pour jouer son coup). Les pourcentages sont très parlants
–8% d’anticipation quand situation neutre
–7% d’anticipation quand situation favorable (un joueur ayant l’avantage ne prend pas le risque de se tromper dans sa “devinette”, il préfère attendre la vraie information (la trajectoire de la balle) pour partir puisqu’il domine
-79% d’anticipation dans situation défavorable : un quitte-double se met en place quand la situation est critique car le joueur se dit que le point est mal engagé et que cela vaut le coup de faire un pari. Mais souvent c’est parce que le joueur est débordé et que l’adversaire a toutes les chances de vouloir conclure de l’autre côté donc autant y aller.
Donc les joueurs ne prennent pas le risque d’anticiper en bonne situation mais ne s’en privent pas quand ils sont en crise de temps pour compenser.
Quelles informations utiliser ?
- –posture de l’adversaire : orientation des épaules, des appuis
- –choix tactiques par tennis pourcentage : choix le plus juste ou intelligent
- –récurrence tactique du joueur adversaire : habitude prise par l’adversaire depuis le début du match
- –selon le contexte (balle de jeu, balle de break)
S’entrainer à l’anticipation ?
Différentes stratégies peuvent être mise en place pour développer l’anticipation, ce qu’on appelle l’oeil (voir cet article sur 16 exercices pour travailler l’oeil)
- –analyser le jeu adverse : connaitre le style de jeu et les parades correspondantes. Cela suppose de comprendre comment joue un défenseur, un contreur, une joueur neutre, un attaquant de fond de court, un attaquant de filet et de connaitre des tactiques les mettant en échec en fonction de ses propres capacités techniques, tactiques, physiques et psychiques.
- –développer la vision périphérique et l’analyse d’informations : aider le joueur à comprendre parfaitement la technique pour savoir que suivant la position du corps, des jambes , du tamis de la tête… la réponse la plus probable est devinable.
- –prendre des vidéos de match de tennis et faire un arrêt sur image juste avant la frappe et deviner où le joueur va jouer.
- –l’expérience : si il y a bien un domaine très avantageux pour l’anticipation, c’est l’expérience qui permet de mieux connaitre le tennis et les réponses favorables de différents types de joueur. Plus vous jouez et plus vous maitrisez ce sport pour vous mettre dans la tête de l’adversaire et savoir avant lui.
Echange sur le sujet avec un abonné
J’en profite pour insérer un échange par mail (avec son accord) avec un de mes abonnés suite à la sortie initiale de cet article. Cela l’enrichira.
Bonjour,
J’ai lu vos articles sur l’anticipation basés sur la thèse de Céline Triolet. Je trouve cela très intéressant dans la mesure où c’est une évolution à travailler notamment chez les jeunes qui veulent faire du tennis sérieusement. Je coache mes enfants (garçon de 7 ans et fille de 10 ans) une fois par semaine en plus de leurs cours de tennis avec leur entraîneur. Et je voudrai justement travailler ce que les entraineurs “classiques” ne travaillent pas. D’où l’anticipation qui me semble un excellent thème.
Mais je me heurte à un blocage technique : on insiste beaucoup sur les fondamentaux qui est notamment de faire une reprise d’appui au moment où l’adversaire frappe la balle. Or anticiper c’est partir avant la frappe de l’adversaire. Dans ce cas, comment travailler l’anticipation quand les fondamentaux ne sont pas acquis chez l’enfant (reprise d’appuis) ? Avec vous des exercices pratiques à proposer?Bien cordialement
Et ma réponse :
Bonjour ,
Merci pour votre message, c’est toujours agréable d’être connecté à mes lecteurs ou abonnés. J’aimerai insister sur la reprise d’appuis.La reprise d’appuis est ce geste où on écarte les pieds à l’aide d’un saut simultané avec la frappe adverse. Le temps de voir la direction prise par la balle, on retombe et on peut rebondir. C’est lorsque l’on attend l’information de la balle.Lorsqu’on anticipe, on part effectivement avant la frappe adverse mais cela n’interdit pas de faire la reprise d’appuis car elle permet de partir rapidement sur le côté grâce à un écart des pieds. Si vous n’écartez pas les pieds, vous ne pourrez pas partir à droite ou à gauche avec efficacité. Or il est vrai que l’on peut ne pas exécuter la reprise d’appui si on est en pleine course pour se replacer et que l’on décide de continuer dans l’élan pour anticiper.Pour résumer, si pas d’anticipation alors reprise d’appuis systématiquesi anticipation alors reprise d’appuis en cas de replacement précoce ou pas reprise d’appuis si replacement non terminé.Donc il est préférable d’insister sur la reprise d’appuis avec des jeux de balles dans des directions aléatoires (sans raquette ou avec)Concernant des exercices d’anticipation, il faudrait les éduquer sur le tennis pourcentage, le tennis que l’adversaire a le plus de chance de jouer en fonction du placement, de l’orientation des épaules et du bassin. L’anticipation fait appel à l’intelligence de jeu que des enfants n’ont pas forcément, on devrait appeler cela de l’expérience de jeu d’ailleurs.Exercice 1 :Vous pouvez par exemple faire des échanges mais arrêter la balle avec la main pour discuter du meilleur choix de renvoi en fonction de la position, de la vitesse de balle, de la hauteur de balle. Vous ne faites que des engagements en CD ou RV en somme en prenant le temps de discuter avant de frapper.Exercice 2 :Vous pouvez aussi filmer un match de votre enfant, puis de le repasser en faisant un arrêt sur image juste avant la frappe de son adversaire pour deviner ce qu’il va faire, puis relancer le film quand votre enfant a fait son choix. C’est un jeu de devinette en fait.Exercice 3 :Vous pouvez aussi le mettre dans des séquences de jeu prévisibles comme par exemple-sur un retour sur service très croisé, il doit anticiper de l’autre côté du terrain.-sur une balle dans les pieds de l’adversaire à la volée, il doit anticiper une balle courte croiséeVoila, dites moi ce que vous pensez de cela.Bien cordialementFab
A vous, avez-vous une bonne anticipation et que faites vous pour la travailler ?
Vive le tennis
Fab
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